Alors que la signature électronique se développe dans tous les secteurs, certaines questions d’ordre juridique se posent quant à ses usages auprès des professionnels ou des particuliers.
- Peut-on refuser une signature électronique ?
- Peut-on vous imposer de signer via la signature électronique ?
Pouvez-vous imposer à vos fournisseurs de signer électroniquement leurs bons de commande ? Votre assureur peut-il refuser que vous signiez son contrat électroniquement sous prétexte de non-validité de la signature ?
Nous allons tenter de répondre à ces questions de la manière la plus pointue possible afin que vous fassiez bon usage de vos outils de signature électronique.
Peut-on vous imposer de signer avec une signature électronique ?
Que dit la loi ?
La CNUDCI (Commission des Nations-Unies pour le Droit Commercial International) précise dans sa loi type sur les signatures électroniques de 2001 , qui a servi de modèle au règlement européen eIDAS (Electronic IDentification And Trust Services), que chaque partie d’un contrat reste libre quant à la forme du contrat et son mode de signature sous réserve de respecter évidemment leur droit national en la matière.
Pour rappel : eIDAS a été retranscrit en droit français dans les articles 1366 et 1367 du Code Civil.
La mise en oeuvre de la signature numérique n’est donc “pas censée porter atteinte à la liberté contractuelle.”
Ces principes d’autonomie des parties et de liberté contractuelle sont retranscrits dans le droit français à l’article 1102 du Code Civil. Celui-ci indique que chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.
La forme d’un contrat doit donc faire l’objet d’un consensus entre chacune des parties. Sa forme numérique ainsi que son mode de signature ne peuvent être imposés par l’un ou l’autre des co-contractants, peu importe sa position.
La loi type de la CNUDCI va plus loin en précisant à propos de son article 4.
“Bien qu’ayant pour objectif général de faciliter l’utilisation des signatures électroniques, la Loi type ne doit en aucune façon être interprétée comme imposant cette utilisation.”
Cette notion de respect de l’autonomie des parties est reprécisée dans le Guide d’incorporation de la Loi-Type. Les Etats ne peuvent donc pas mettre en place de législation contraignante imposant la signature électronique dans le sens où celle-ci irait à l’encontre du principe d’autonomie des parties.
L’utilisation du “support durable”
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un support durable ?
La directive européenne 2011/83/UE le définit ainsi :
“Tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d’une manière permettant de s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet une reproduction à l’identique des informations stockées.”
On oppose donc ce support durable qui concerne l’ensemble des processus digitalisés au traditionnel support papier. Les contrats signés électroniquement sont donc considérés comme des supports durables.
Dans le cadre d’une relation contractuelle avec un consommateur, vous devrez vérifier que l’utilisation des supports durables est adaptée à sa situation et ne pouvez donc lui imposer des échanges par seule voie numérique. C’est la raison pour laquelle, par exemple, les banques vous demandent toujours votre accord avant de vous soumettre vos documents, contrats, avenants et informations pré-contractuelles par email en amont de votre relation commerciale.
Cela concerne aussi bien les souscriptions en face à face que celles réalisées par voie numérique.
Cette obligation apparaît dans les Codes monétaire et financier, des assurances, de la consommation, de la mutualité et de la sécurité sociale.
La seule et unique exception concerne la souscription à un contrat d’énergie. Un consommateur peut ainsi demander un démarrage de sa prestation avant la fin du délai de rétractation inscrit dans le contrat, sous condition de réaliser cette demande via un support durable.
Résumons : la signature électronique est-elle obligatoire ?
NON, la signature électronique n’est pas obligatoire.
Lorsque vous signez un contrat, les deux parties doivent s’entendre sur le contenu mais également sur sa forme. Vous ne pouvez donc imposer à quelqu’un de signer électroniquement un document s’il souhaite absolument le signer de manière manuscrite. Vous ne pouvez par ailleurs pas lui imposer une correspondance par voie numérique et a fortiori la signature de contrat par voie électronique.
Ce sera, dans ce cas, à vous d’exposer aux signataires les avantages d’une signature électronique !
Nous vous avons préparé pour cela une boîte à outils 😉
Pourquoi vous ne devriez pas refuser de signer électroniquement ?
L’utilisation de la signature électronique présente toute une série d’avantages pour vous mais également pour votre client.
1- Un gain de temps formidable : Plus besoin de parapher recto-verso les 300 pages de vos contrats et annexes. Il vous suffit de les parcourir et de les signer à l’aide d’un code envoyé par SMS. Inutile également de se déplacer, vous pouvez consulter et signer le document à distance !
2- Une meilleure réactivité des services : Les contrats de souscription ne transitent plus par courrier et n’ont pas besoin d’être revérifiés méticuleusement. La numérisation vous permet de même de réduire les risques de mauvaise interprétation liés à une écriture manuscrite indéchiffrable. Tout peut être automatisé, et l’ensemble des services avertis en temps réel. Le délai de traitement est donc considérablement réduit, permettant à vos clients de profiter immédiatement de leur nouveau service.
3- Une réduction des frais de souscription : délais de traitement réduits, pas d’échange par courrier, plus besoin de papier et de cartouches d’imprimantes, tout cela vous permet de réduire les frais de gestion des dossiers et d’en faire bénéficier directement vos clients.
4- Une sécurité accrue : les documents numérisés ne s’altèrent pas dans le temps. Le stockage numérique permet à vos clients de faire des copies de leurs contrats sur différents supports pour les sauvegarder et les protéger. Chaque copie conservera une trace du certificat numérique associé aux différents signataires. Enfin, Yousign archive pendant 10 ans un dossier de preuve lié à chaque signature chez Arkhineo, tiers archiveur.
Peut-on refuser une signature électronique ?
Peut-on refuser un document et réfuter sa valeur légale au prétexte que celui-ci a été signé au travers d’un système de signature électronique ?
Que dit la loi ?
Dans ce cas, la législation diffère dans le cadre des relations B2C et B2B.
L’ordonnance du 4 octobre 2017 précise qu’un professionnel ne peut refuser l’utilisation d’un procédé de signature électronique venant d’un client particulier dans le cadre de la souscription à un contrat. Cette ordonnance modifie en ce sens tous les Codes cités précédemment et concerne donc l’ensemble des secteurs d’activité concernés. Cette disposition ne bénéficie cependant qu’au seul consommateur. Vous ne pouvez donc pas refuser un document signé électroniquement par votre client si celui-ci est un particulier.
Dans le cadre d’un contrat entre professionnels, la liberté contractuelle reste la règle et les deux parties doivent donc s’entendre en amont sur la forme du contrat et ses modalités de signature.
Et devant la justice ?
En cas de litige, les instances judiciaires peuvent-elles refuser de prendre en compte une document signé électroniquement ?
Tout d’abord, l’article 1 du décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique, qui retranscrit dans le droit français des éléments du règlement européen eIDAS, met la signature électronique qualifiée au même niveau que la signature manuscrite en présumant de sa fiabilité en cas de litige,sauf preuve contraire.
Cependant, la mise en oeuvre d’une signature électronique qualifiée est particulièrement contraignante. Celle-ci nécessite qu’un support physique (carte à puce ou clé usb cryptographique) permettant de signer soit remis au signataire par un représentant de l’autorité de certification, et ce après vérification de son identité en face à face.
Pour plus d’informations sur les niveaux de signature électronique avancée et qualifiée, consultez notre article dédié.
Soyons honnêtes, ce système ne peut s’appliquer concrètement à la plupart des usages que nous avons tous de la signature.
Quid alors de la validité des signatures dites simples et avancées ?
En vertu du principe de non-discrimination, la CNDCU indique dans son article 3 qu’”aucune méthode de signature électronique ne devrait faire l’objet d’une discrimination”.
Ce principe est repris par l’article 25 du règlement eIDAS qui indique :
“L’effet juridique et la recevabilité d’une signature électronique comme preuve en justice ne peuvent être refusés au seul motif que cette signature se présente sous une forme électronique ou qu’elle ne satisfait pas aux exigences de la signature électronique qualifiée”.
Ces signatures sont donc parfaitement recevables en justice. Il vous faudra par contre opter pour une solution particulièrement fiable utilisant un certificat électronique et permettant d’attester de l’identité du signataire ainsi que de l’intégrité du document.
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Quelques exceptions
Presque tous les documents peuvent être aujourd’hui signés via un procédé de signature électronique. L’article 1174 du Code Civil indique que tous les actes authentiques et sous seing privés peuvent être dématérialisables. Cependant l’article 1175 précise que deux catégories d’actes sous seing privés font encore exception.
❗ Les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions.
Cela concerne les documents tels que les Mandats de protection future, les Conventions de Pacs, les Testaments olographes et les Conventions d’indivision portant sur des biens mobiliers.
❗ Les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession.
Il s’agit ici des actes de sûretés personnelles écrits, tels que les contrats de cautionnement qui nécessitent des mentions manuscrites. Sont également concernés les actes de sûretés réelles écrits, à savoir les gages corporels et nantissements.
Dans ce contexte, la loi ELAN du 23 novembre 2018 a supprimé les mentions manuscrites autrefois obligatoires dans les actes de cautionnement des baux de location immobiliers. Cette évolution semble ouvrir la voie à une dématérialisation complète du bail de location.
Cependant l’article 1775 du Code Civil n’a pas été modifié par cette loi. Si les mentions manuscrites sont donc bien supprimées, il reste impossible de signer l’acte de cautionnement électroniquement, celui-ci étant “un acte sous signature privée relatif à des sûretés personnelles ou réelles”.
Ceci ne s’applique que lorsque le signataire est une caution civile n’agissant pas pour les besoins de sa profession, par exemple dans le cadre d’un bail de location pour un logement à titre privé. Si le signataire agit pour les besoins de sa profession, il peut tout à fait signer électroniquement l’acte de cautionnement.
❗ Notez également que si les marchés privés peuvent faire appel à une signature électronique classique (simple ou avancée), ceux du marché public, qui concentrent des enjeux économiques et juridiques importants, doivent obligatoirement faire appel à une signature électronique avec certificat qualifié, équivalent de la signature manuscrite.
Résumons !
De manière générale, il n’est donc pas possible de refuser un document signé électroniquement sous prétexte de sa non validité.
Les précisions apportées par le règlement européen eIDAS et sa retranscription dans le droit français assurent sa fiabilité dans le cadre d’une signature dite qualifiée.
Le principe de non-discrimination permet également la prise en compte des autres procédés de signature électronique devant les institutions judiciaires sous condition d’être en mesure de démontrer la fiabilité du procédé et d’assurer l’intégrité du document.
Comment savoir si ma solution de signature électronique est valable juridiquement ?
Vous devrez prendre en compte différents critères lors du choix de votre solution de signature électronique. Cependant, le premier élément dont vous devez vous assurer est de sa fiabilité en cas de litige.
Assurez-vous dans un premier temps que la solution est certifiée aux niveaux français et européens. Elle doit être conforme au règlement eIDAS qui fixe les règles d’utilisation et de reconnaissance légale des procédés de signature électronique dans l’Union Européenne. L’ensemble des solutions certifiées sont affichées sur le site de la Commission Européenne.
Vous devez vous assurer qu’un certificat numérique généré par une autorité de certification telle que Yousign est associé à chaque signataire d’un document.
Afin qu’une procédure de signature électronique soit reconnue fiable, elle doit permettre d’identifier formellement le signataire et assurer l’intégrité du document signé.
Vous pouvez identifier le signataire de différentes manières, à l’aide d’un code SMS par exemple ou encore en vérifiant en ligne sa pièce d’identité. Concernant l’intégrité du document, la solution doit faire en sorte que toute modification du document réalisée après la signature fasse sauter le certificat électronique, annulant de facto la validité du document altéré. Seule la version originale disposera d’une véritable valeur légale.
Enfin, choisissez une solution qui sera en mesure de vous fournir les éléments nécessaires en cas de litige. Yousign met par exemple à votre disposition pour chaque signature un dossier de preuves contenant un panel d’éléments permettant de prouver l’identité du signataire et la fiabilité de la procédure de signature électronique réalisée.